Dans l’affaire Popescu contre Essers, la Cour d’appel d’Anvers a confirmé sa compétence dans une plainte d’un conducteur roumain contre une société de fret constituée en Belgique et a appliqué le droit du travail belge au contrat.
L’affaire fait écho aux problèmes de dumping social, les articles précédents pertinents sur le blog incluent CJEU Gruber Logistics et Altun. En dehors de Bruxelles Ia et de Rome I, CJUE AFMB et autres est à noter.
Je n’ai pas accès au jugement de première instance et l’arrêt de la Cour d’appel est un peu énigmatique sur une première question importante, à savoir l’impact de la décision antérieure des tribunaux roumains et l’étendue de l’autorité de la chose jugée : je ne peux pas dire grand-chose sur cela faute de jugement de première instance et / ou d’informations supplémentaires dans le jugement de la cour d’appel, mais cette question semble avoir engagé des conclusions factuelles dans les tribunaux roumains.
Ce qui est clair, c’est que sur la base de l’article 21 BIa, la compétence au domicile de l’employeur a été facilement établie [p.6].
En ce qui concerne le droit applicable et Rome I, la Cour d’appel renvoie à la CJUE dans l’affaire Koelzsch [42] considérant que « dans la mesure où l’article 6 de la convention de Rome a pour objectif de garantir une protection adéquate au travailleur, cette disposition doit être comprise comme garantissant l’applicabilité du droit de l’État dans lequel il exerce ses activités professionnelles plutôt que celui de l’État dans lequel l’employeur est établi. C’est dans l’ancien État que le salarié exerce ses fonctions économiques et sociales et, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 50 de ses conclusions, c’est là que l’environnement économique et politique affecte les activités d’emploi. Par conséquent, le respect des règles de protection de l’emploi prévues par la législation de ce pays doit, dans la mesure du possible, être garanti. (emphase ajoutée par moi, GAVC). La Cour d’appel rappelle également les critères de la CJUE dans l’affaire C-64/12 Schlecker, note que le contrat n’a pas de lex voluntaris (bien qu’il se réfère au droit roumain dans un certain nombre de cas) et déclare p.12 ff que La Belgique, et non la Roumanie, était le lieu d’emploi habituel :
les diagnostics à bord et les rapports de voyage révèlent que la plupart des itinéraires de M. Popescu partaient du siège de la société en Belgique, la plupart à destination et en provenance des pays voisins de la Belgique, et même s’ils étaient plus éloignés, le retour se faisait toujours en Belgique ; aucune route ne le menait vers et/ou depuis la Roumanie ;
l’expédition des lignes était organisée depuis la Belgique, les sociétés belges du groupe étant majoritairement contractantes pour le fret concerné ;
les outils de travail, c’est-à-dire les camions, même s’ils portaient une plaque d’immatriculation roumaine, étaient mis à la disposition des chauffeurs, et entretenus, en Belgique, et le (dé)chargement s’effectuait en grande partie en Belgique.
D’autres facteurs pointant vers la Roumanie n’ont pas été considérés comme écartant la constatation de la Belgique comme lieu d’emploi : cela inclut la nationalité et le domicile roumains de M. Popescu ; son contrat étant soumis à l’assurance nationale roumaine et à l’impôt sur le revenu : ces deux derniers éléments, selon la Cour, reflètent simplement le domicile de M. Popescu et non son lieu de travail.
La Cour d’appel a également jugé [p.17-18] qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer la directive sur les travailleurs détachés, en référence à CJUE FNV contre Vanden Bosch, et qu’au lieu d’un détachement temporaire, il existe un lieu d’emploi habituel clair avec toutes les conséquences de Rome I.
La suite de l’arrêt traite ensuite des conséquences de l’application du droit belge.
Un cas à noter !
Geert.